Certification des comptes : attention au dumping sur la sécurité financière !
Publié le 17 mai 2018L’ambition de simplification portée par nos dirigeants, aussi louable soit-elle, ne doit pas se tromper d’objectif en sacrifiant des fonctions essentielles pour l’entreprise. Parmi l’ensemble des mesures envisagées, pourrait ainsi se loger dans le projet de loi PACTE, la suppression de l’obligation du contrôle légal des comptes pour certaines d’entre elles. Ce calcul très court-termiste […]

L’ambition de simplification portée par nos dirigeants, aussi louable soit-elle, ne doit pas se tromper d’objectif en sacrifiant des fonctions essentielles pour l’entreprise. Parmi l’ensemble des mesures envisagées, pourrait ainsi se loger dans le projet de loi PACTE, la suppression de l’obligation du contrôle légal des comptes pour certaines d’entre elles.
Ce calcul très court-termiste priverait les entités concernées d’un capital confiance pourtant évident et primordial dans un contexte économique de frilosité des investisseurs et de croissance encore trop faible.
Ne serait-ce d’ailleurs pas un paradoxe de la part de l’Etat lui-même qui d’une main, introduirait plus de transparence dans les comptes de la sphère publique à travers notamment la certification des hôpitaux, des universités, bientôt des collectivités locales, pour de l’autre, retirer à certaines entreprises cette même garantie ?
Et n’est-ce pas étonnant, au moment où nos responsables aspirent à libérer les énergies créatrices, de songer à supprimer l’une des clés de cette liberté, la sécurité financière ? Un contrôle externe par an est-ce trop pour garantir la confiance des partenaires et acteurs, notamment économiques, sociaux et financiers des entreprises ?
Non bien sûr, car la liberté entrepreneuriale ne peut s’épanouir que dans un environnement balisé et offrant de la sécurité.
Seraient visées par la restriction de l’audit légal les plus petites entreprises, parmi les plus fragiles, celles qui ont sans doute plus que tout autre besoin d’apporter à leur environnement des gages de la sincérité de leurs comptes.
Ne laissons pas toutes nos entreprises de moins de 50 salariés, qui constituent à n’en pas douter les moteurs de notre croissance, sans contrôle externe, sans regard indépendant.
>> N’oublions pas que l’intervention d’un auditeur légal dépasse bien souvent dans ces entreprises celle du certificateur, pour leur apporter un regard aiguisé et pertinent sur l’entreprise et son organisation, une aide au pilotage, mais aussi un soutien en matière de prévention des difficultés, avec une procédure d’alerte qui anticipe les difficultés économiques et un rôle aujourd’hui reconnu par la loi en matière de détection des dérives dans les délais de paiement.
>> N’oublions pas que l’auditeur peut mettre en œuvre aux côtés du dirigeant un véritable contrat de progrès, travailler en amont des difficultés en développant une approche par les risques, l’aider à rendre plus robuste sa structure financière, en un mot à défendre l’économie et l’emploi.
Vertueuse pour les entreprises, la certification des comptes l’est aussi pour l’Etat, l’audit des PME représentant aussi le « premier regard fiscal » de l’entreprise, indolore et permanent. Le commissaire aux comptes y joue, en tant que seul intervenant réellement indépendant de l’entreprise, un rôle de vigie, notamment sur le respect du droit fiscal mais aussi du droit du travail.
L’assiette fiscale et sociale de l’entreprise peut-elle être mieux garantie que par ce contrôle externe ? L’audit est une mission pleine, encadrée, indépendante, la seule à donner aux partenaires de l’entreprise une assurance de valeur sur ses comptes.
Un examen dégradé ou contractuel n’offre ni les garanties, ni la valeur d’une mission d’audit légal vis-à-vis des tiers qui souhaitent disposer d’une signature indépendante, et dévoyer cette intervention serait faire courir à l’entreprise le risque d’une mission d’audit « au rabais » et aux tiers le risque d’une moindre assurance.
Les entreprises concernées par l’obligation de nommer un commissaire aux comptes, qui représentent rappelons-le quelques cent quatre-vingt-dix mille, soit à peine 5 % de l’effectif total des entreprises, n’ont pas été choisies au hasard et le seuil d’intervention de l’auditeur légal est ciselé pour concerner les sociétés, par construction juridique les plus libres et les moins encadrées en raison de leur actionnariat, du capital engagé et des règles de gouvernance.
Simplifier les démarches et obligations des entreprises ne doit pas signifier la couper de l’un de ses meilleurs remparts contre les risques économiques et financiers en la privant de son commissaire aux comptes. Attention au dumping sur la sécurité financière !